MANNEKEN-PIS STATE OF MIND
(#1 Où étais-tu à la Saint-V ?...)
«
C'est la Saint-Verhaegen »
a-t'elle affirmé. Puis, devant ma mine interdite, elle ajouta : «
C'est la fête de l'Université Libre de Bruxelles »,
comme si elle récitait fièvreusement et devant toute la classe une
leçon apprise par coeur.
C'est
vrai qu'ils avaient tous l'air très jeunes. Je m'étais douté qu'il
s'agissait principalement d'étudiants, nombre d'entre eux arboraient
cette casquette étrange qui faisait clairement penser à une
faluche. En plus, il y en avait pas mal qui se promenaient en blouse
blanche. Des étudiants en médecine, je présume. Enfin, les blouses
avaient effectivement dû être blanches à un moment donné - avant
les dessins, les dédicaces au marqueur, et avant d'être maculées
de bière de long en large. Je ne mis d'ailleurs pas très
longtemps non plus à deviner pourquoi, à certains endroits, le sol
collait à ce point : les étudiants, ah les empotés, avaient
malencontreusement renversé quelques godets emplis de cette bière
qui semblait, pas de chance, la seule boisson disponible ce jour-là
sur la grosse place du Sablon. C'était marrant en tout cas : on se
serait cru sur une piste de ski un jour de redoux, vous savez, quand
la neige tourne à la soupe, et qu'on ne glisse que par à-coups. Par
chance, je n'avais plus mes béquilles. Ç'aurait été compliqué,
pour slalomer entre les mares de vomis...
Ah,
oui, j'ai omis de le mentionner, j'ai quelques temps dû me mouvoir
muni de béquilles. Ce qu'il m'était arrivé ? Oh, un truc
vraiment idiot : je sortais d'un bar (le super Supra Bailly,
rue du Bailli) – je n'étais pas ivre, PROMIS JURÉ – et, je ne
sais plus très bien ce que je regardais où à quoi je rêvassais,
mais mon genou heurta violemment (et par surprise) un petit poteau ; un de ceux que l'on trouve aux coins des rues,
peut-être pour éviter à certains automobilistes – eux,
complètement bourrés par contre – de déborder sur le trottoir en
cas de virage raté, et de terminer leur route dans un bar bondé ou
la vitrine en verre incurvé de l'échoppe Art Nouveau d'un
boucher-charcutier.
Toujours
est-il qu'à travers Bruxelles et ses collines escarpées pareilles à
des pentes himalayesques, tout déplacement de ma personne s'avérait
indubitablement ardu.
Un
soir que nous rentrions d'un ou deux verres au Moeder Lambic
Fontainas ma compagne et moi-même – non, toujours pas ivres –,
je m'accordai un break au milieu de cette rue des Alexiens à la
déclivité insensée, quand un bus, le 86 si je ne m'abuse, stoppa
net sa course folle, pour s'arrêter exactement à ma hauteur. « Grimpez
monsieur, je vous emmène au sommet de la montagne », me
sussura le chauffeur. Louant Saint-Christophe (le saint-patron des
voyageurs), j'embrassai à pleine bouche mes deux béquilles, et
encensai mon bienfaiteur du soir. Il y avait bien trois ou quatre
personnes dans le bus, mais si je n'avais pas lancé « Merci
mon bon ! » au dit « sommet de la montagne »,
mon héros aurait assurément effectué un large détour pour nous déposer pile devant l'entrée de notre doux foyer.
Quoiqu'il en soit, même si ça détonnait un brin dans le chic quartier du Sablon, c'était plutôt
réjouissant, cette masse informe de jeunes gens. Aussi, lorsque
ceux-ci, sommés par un type au micro d'enfin se mettre en route, se
mirent justement en branle pour rejoindre la Place de la Bourse, une
étrange mélancolie m'envahit.
Même sans ces maudites béquilles, je fus à deux doigts d'être “emporté
par la foule”, comme dans la chanson de Piaf. Je parvins in
extremis à m'agripper aux barrières en fer de la terrasse de Chez
Richard, apparemment l'un des
points stratégiques de la fête.
Je
suis bête, j'aurais dû les suivre. Peut-être ont-ils déboulé
Place de
la Vieille Halle aux Blés, surprenant le pauvre Jacques Brel dans
son dos (enfin sa statue). Peut-être ont-ils (re)pris “des forces”
chez Gist,
avant d'assaillir l'hyper-centre
de la ville
– avant, aussi, de saluer le “petit bonhomme”,
qui en a vu bien d'autres (il n'avait, paraît-il, pas manqué de
revêtir un nouveau costume fort à propos pour l'occasion) (Cf. photo).
Allez,
c'est pas grave, rendez-vous l'année prochaine «
Chez
Rich
pour la “Saint-V” heu ! »...
À
tantôt, les Kets
!
Marcel
RAMIREZ
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