"ça va, on est pas trop mal placés, j'crois qu'on la verra bien..." (épisode 1 : weyes blood, les nuits. botanique)



Première partie :

N'en déplaise à mes détracteurs, je suis, pour une fois, presqu'à l'heure et ne rate pas complètement la première partie. C'est Hand Habits qui s'y colle, et malgré l'air totalement dévasté du claviériste, c'est très bon. Oui, c'est excellent même, et je compte bien sur toute la clique de rock-critics francophones et branchouilles pour se dépêcher de le clamer haut et fort dans leurs magazines branchouilles respectifs.

Moi aussi je les trouve énervants, à la fin, ces gens qui mentent quant à leur véritable patronyme – nan parce qu'en fait, Hand Habits par exemple, eh bien en vérité, figurez-vous qu'elle se nomme Meg Duffy.
Elles ne se ressemblent pas du tout, mais à l'écoute de la voix sensuelle et des chansons subtilement sauvages de Meg – Hand Habits – Duffy, c'est pourtant bien à Angel – tout court – Olsen que j'ai immédiatement pensée.

À un moment, Meg a demandé au public si quiconque connaissait un endroit où diable elle pourrait trouver une nouvelle Fender Stratocaster. Ma jeune épouse, présente elle aussi, me sussurera à l'oreille que, ça alors, oui, elle voyait bien un lieu où Meg pourrait avoir de grandes chances de dénicher pareil objet – mais sa timidité l'empêchera d'en hurler l'emplacement exact à Meg.
Ce n'est pas très grave, je crois. Parce que Meg s'en sortira plutôt pas mal avec sa vieille “Strat”, et tel Angel, oui, par exemple, elle souillera juste ce qu'il faut ses mélancoliques pop-songs à coups de riffs virtuoses et rusés.



C'est dommage, mais moi aussi je serai un brin timide, et n'oserai finalement pas jeter jusqu'à la scène ce morceau de biscuit Gerblé (les excellents orange-soja, formidable à tremper dans le café) (un peu moins dans la bière, par contre, si vous voulez mon avis) en guise de remontant pour le claviériste triste – ça marche vachement bien, sur moi.


Concert principal :

Je peine à dissimuler l'excitation qui m'envahit alors que les musiciens de Weyes Blood – pfff, Natalie Mering, en fait, que c'est énervant... – pénètrent un à un sur la scène de la formidable et amphithéâtresque salle Rotonde du centre culturel de Saint-Josse-ten-Noode situé en plein dans le jardin botanique de Bruxelles (“Bota” pour les intimes).

C'est une longue histoire, Natalie – Weyes Blood – Mering et moi, je le confesse. Je l'avais découverte à l'écoute de... oh, la tant regrettée Label Pop, du formidable Vincent Théval, un dimanche ou un lundi soir, sur France Musique. La chanson alors diffusée, je m'en souviens, était la solennelle Hang on, issue du deuxième album de Weyes Blood (The Innocents, 2014). Je fus immédiatement troublé par ce morceau étonnant, et peut-être encore plus par cette voix vibrante et majestueuse.



Lorsque Vincent précisa – en direct – que la jeune et jolie américaine usait, pour façonner ces chansons sans âge, d'instruments moyen-âgeux, je fus définitivement séduit.

L'artiste principale de la soirée ne se fit pas attendre, et déboula d'un pas décidé dans la foulée de son batteur, de son guitariste, et de sa bassiste. Dans son costume blanc pimpant – alors qu'elle le porte depuis au moins trois semaines, j'en ai la preuve formelle, elle lança “Hi, we're Weyes Blood”. J'en fus réjoui, et me dit que malgré son air parfois hautain, elle savait faire preuve d'humilité.

Je me trompais.

Dès la deuxième chanson (Everyday), elle rit de ses propres blagues (à l'humour plus que douteux) ; pis, quelques minutes après, elle kalasha(1) des yeux son guitariste pour, semble-t'il, une simple histoire de puissance de son, ou quelque chose comme ça. Les yeux pareils à ceux d'une biche apeurée pris dans les phares d'un immonde 4X4 Diesel germanique, le garçon était assurément traumatisé, et je craignis un instant que le concert ne stoppe séance tenante.
Mais non, show must go on, et tel un lapin cette fois (celui de la marque Duracell), le vaillant musicien à la crinière aussi blanche que le costume de sa tyrannique leadeuse joua et joua encore...
Malgré la qualité des chansons savamment adaptées à leur éxécution live et, avouons-le, plus agréables à écouter selon moi que sur disque, j'étais terrifié – le fait que l'homme s'agitant derrière les fûts soit le sosie de l'un de mes ennemis jurés n'arrangeait rien à l'affaire.

Bloody Natalie continuait de débiter ses plaisanteries inconsistantes ad libitum ; des galéjades certainement répétées à chacune des dates de sa tournée Titanic Rising, et qui, curieusement, parvenaient tout de même à faire rire très fort ce type placé au deuxième rang sur la gauche. Certainement le même type qui rit également très fort, au deuxième rang, oui, sur la gauche là encore, à chaque fois que j'assiste au visionnage d'un Woody Allen au cinéma.
Bref, la terrible Weyes Blood semble décidément tout faire pour qu'on la déteste, et avant je ne sais plus quelle chanson, elle explique que Meg – Hand Habits – Duffy a, si j'ai bien compris, joué de la guitare sur celle-ci lors de l'enregistrement de l'album (Titanic Rising, ça va ?...). Pensez-vous qu'elle l'inviterait sur scène pour l'accompagner joyeusement dans un de ces boeufs endiablés dont nos amis musicos ont le secret ? Que nenni ! ("Unforntunately it's impossible now"...)

Alors que je tente (en vain) de repérer l'entrée des coulisses afin de pousser Hand Habits et sa Fender Stratocaster (état : usagée) sur scène, les chansons s'enchaînent, et je dois l'admettre : comme le set de Meg Duffy tout à l'heure, musicalement, c'est impeccable. J'en oublie la peur et le dégoût que Natalie Mering m'inspirait il y a quelques minutes à peine, et me laisse entraîner par ces mélodies au doux goût suranné. On notera d'ailleurs les pattes d'eph sur le pantalon de costume de l'artiste, et ses cheveux longs, si longs, comme dans, vous voyez où je veux en venir, ces années septantes dans lesquelles elle semble emprisonnée à jamais...

Sur Movies, Weyes Blood s'enflamme quelque peu, et jetera de manière théâtrale et grotesque sa veste de costard pour la remettre dans la foulée en une sorte de cascade / demi-striptease risible et certainement censé constituer le clou de la soirée – d'aucuns prétendent pourtant m'avoir aperçu dansouiller au même moment.
C'est... C'est très possible, et emporté par le final orgiaque sur l'épique Something to believe, tel, ben oui, le Titanic, je sombrerai pour de bon.


Rappel :

Comme c'est d'usage, bien sûr, après quelques applaudissements, d'autres chansons seront jouées... Mais je tenais à adresser quelque mot à l'artiste principale de la soirée : Ton "oubli" de jouer Hang on... Ce costume blanc ridicule que tu t'es entêtée à porter jusqu'à ce dernier jour de tournée européenne, ici, à Bruxelles, sous mes yeux... C'est bien tenté, mais je tiens à te le rappeller, je suis marié désormais – et tu sais, ce vieux tweet où je demandais maladroitement ta main il y a de cela plusieurs années (et auquel tu répondais presque par l'affirmative...) C'ÉTAIT POUR RIRE, WEYESIE.


(1) Expression empruntée à Julien Syrac et issue de son excellent livre Berlin On / Off



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