BRAVO (Aurélie William) LEVAUX...





Ma femme m'avait dit « mais non, je crois que c'est l'autre, la toute jeune qui vient de rentrer dans la librairie ». J'avais raison, pour une fois : cette grande gigue blonde, c'était bien Aurélie William Levaux. Je ne l'avais qu'entr'aperçue rapidement dans une vidéo d'Arte ou de la Radio Télévision Belge Francophone. 
Ben oui, elle est belge. De Liège, si j'ai bien tout compris. 
Ce n'était pas seulement grâce à ses cheveux blonds, que je l'avais reconnue – je venais de terminer La vie intelligente, l'une de ses dernières parutions, et son look correspondait pas mal à l'image qu'on se fait d'elle à la lecture de ses textes désabusés. Peut-être que c'était un réflexe de quand je fais le journaliste, aussi, de regarder avec des yeux d'enquêteur. Et puis, j'avais vu passer les photos où elle posait avec son compagnon sur Facebook. Ils affichaient fièrement leur soutien aux Gilets Jaunes (en en portant, des gilets jaunes), et avec tout ça, ajouté au fait que j'avais lu pas mal d'articles de plein de gens qui écrivent mieux que moi (salauds !), j'avais bien senti ce mélange assez original de rage rentrée, d'ironie, et de bon sens paysan présent dans ses textes. Du coup, quand elle s'est levée, laissant découvrir l'intégralité des risques vestimentaires qu'elle avait pris pour l'occasion – de grosses chaussures de rando Quechua, des collants noirs, une jupe verte et un haut gris à paillettes de pratiquante assidue de gymnastique rythmique et sportive –, j'étais quasi-sûr de pas m'être planté. C'est que j'avais aussi bien saisi son côté « un peu artiste », comme on qualifie ces gens qu'on juge légèrement paumés, un peu fous-fous.


Le compagnon d'Aurélie William Levaux (et Aurélie William Levaux elle-même)

Ça m'avait énervé, d'ailleurs, juste après, quand elle avait commencé – en retard, purée ! – la « rencontre » et parlé de ses problèmes psychologiques. Oh, on en a tous, c'est pas ça mon problème ; c'est juste qu'on dirait que la folie est nécessaire, pour faire de l'art. Alors, pendant qu'elle parlait, j'arrêtais pas de me dire que j'étais sans doute trop normal, pas assez fou-fou.

C'était rigolo, pourtant, son petit speech. Elle avait dit que normalement elle était censée faire une sorte de performance – au sens artistique du terme –, avec une interview d'elle-même et tout, mais que là, ben y avait pas la place. Dommage, ma femme et moi, on était prêt, je pense, pour une performance. Oui, même au sens artistique du terme.
On a eu l'air un peu cons, à lui expliquer nos demandes de dédicaces saugrenues, mais elle nous a malgré tout gentiment gratifiés, ma femme et moi, de dessins et de petits mots très sympas.

Dessin fait pour moi-même par Aurélie William Levaux (extrait)

Mon véritable problème, entre nous, c'est que j'étais jaloux.
J'étais tombé, un soir, je crois que c'était sur Arte, sur un excellent documentaire sur Serge Gainsbourg-sa-vie-son-oeuvre. Il y avait ce passage où, interviewé dans ce que l'on devinait être une émission de variétés – un vieux show au doux goût suranné –, l'homme à tête de choux, à qui on demandait, si je me souviens bien, s'il existait un style Gainsbourg, répondait alors un brin gêné qu'il n'en était pas sûr, et tentait d'expliquer combien il était difficile de parvenir à s'en forger un, de style. C'est compliqué, mais là, je crois que je tiens un truc, avait-il lâché après un léger temps mort, dans un demi-sourire enfantin. C'était presque magique – certainement un de ces fameux moments de télévision.
Ah comme je l'envie a posteriori, feu-Gainsbourg (-barre).
C'est pour ça, que j'avais rebattu les oreilles (bien moins grandes que celles de Gainsbourg) à ma tendre épouse pour que nous assistions à cette "Rencontre avec Aurélie William Levaux à l'occasion de la sortie de ses derniers ouvrages" : parce qu'Aurélie William Levaux, elle, elle en a un, de style – moi, si tant est que j'en avais jamais eu, bêtement je l'avais perdu.
Ça doit se voir : j'étais en plein doute.
À la lecture d'Aurélie, je ne dirais pas que j'ai retrouvé ce ton, cette touche personnelle et incontestablement brillante qu'hypothétiquement je possèderais, enfouie quelque part ; disons que ses écrits, aussi bruts et crus qu'ils s'affichent sur la page immaculée, m'ont rafraîchit comme une douce brise d'été. Oui, la sirène Aurélie – elle s'auto-proclame sosie de Daryl Hannah – m'a envoûté et redonné la foi.
C'est d'ailleurs ce qu'elle a dit, à un moment, Aurélie : apparemment je donne envie à des gens d'écrire, de créer. Si je sers à ça, ça me va, a-t'elle à peu près affirmé.



Extrait de Sisyphe. Les joies du couple


Elle a également raconté d'autres choses, mais j'ai oublié de les noter, c'est idiot...

Au fait, je ne l'ai pas précisé : au départ, Aurélie est artiste. Je ne dis pas qu'écrire n'est pas un art – un écrivain est un artiste, je le pense au plus profond de mon petit coeur –, mais elle (Aurélie Bidule Machin), elle a débuté par le dessin, la broderie, la peinture. Et à côté, autour, en plein milieu..., il y avait toujours au moins quelques phrases. 
Mais son dernier ouvrage, Bataille (pas l'auteur), est sa première parution uniquement illustrée à l'aide de mots habilement placés bout à bout.


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Comme cela allait mieux, j'ai recommencé à écrire un peu. Des mails entre autre. J'ai alors aussitôt projeté d'en envoyer – plein ! – à toute la presse francophone, de les étouffer de mails avisés quant à l'urgence d'affranchir leurs lecteurs du talent d'Aurélie William Levaux (ils ne l'avaient pas suffisamment fait à mon goût). 
Je leur promettais un joli papier comme ils disent, "avec peut-être même une interview et tout", et des phrases bien écrites expliquant qu'Aurélie, tel un papillon s'extirpant de sa chrysalide, se transformait bel et bien en véritable auteure de littérature (et je n'y faisais bien entendu aucun mystère sur la personne selon moi la plus à même de produire l'article ultime sur Aurél' Will-sa-vie-son-oeuvre : moi-même bien sûr).

Résultat : ça n'a pas trop marché.

Ce n'est pas grave, je le dis ici : merci, et bravo Levaux !...


Marcel RAMIREZ


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